
LA CHANSON DE L’ANOREXIQUE
J’me reconnais plus quand j’me regarde dans le miroir
Et même nu, j’ prends trop de place, j’ai mal à voir
Ce corps déformé, cette peau, ces cuisses, ces bras
Et ces bouées qui, paraît-il, n’existent pas
Ils me disent tous que le «problème» est dans ma tête
Moi je sais bien qu’il est partout et qu’il nous guette
Qu’il se cache derrière chaque image qu’on nous tend
A la moindre pub qui surgit sur nos écrans
Alors je passe des milliers d’heures à courir
Afin que fondent enfin ces chairs prêtent à mourir
Et sur mon tapis j’accélère,
L’estomac vide, à bout de nerfs
J’entends cette voix qui me lacère
Qui me fait vivre l’Enfer sur Terre
«Maigris encore, maigris toujours, que tu t’effaces»
C’est ce que me dit chaque jour cette belle Garce
Dès que j’ouvre les yeux, que déjà elle m’appelle
Du fond de mon ventre affamé qui se rebelle…
«Maigris encore, maigris toujours, je t’en supplie
C’est le diktat de la beauté d’aujourd’hui !
Toi qui n’as jamais su trouvé ta place ici
Tu finiras par atteindre le Paradis.
On m’complimente quand j’mange un carré d’chocolat
Ou une cuillère d’la ratatouille qu’a faite papa
Même si on m’voit partir à chaque fois en cachette
Tout recracher ou tout vomir dans les toilettes
J’invente des excuses à deux balles quand on m’invite
A v’nir manger dans toutes ces soirées que j’évite
J’veux pas devenir comme tous ces gros qu’est-ce que j’y peux?
Y m’foutent la gerbe quand ils me disent qu’ils sont heureux…
J’voudrais ressembler à ces unes des magazines
A ces squelettes désincarnés dans les vitrines
Et devant lesquelles j’accélère
L’estomac vide, à bout de nerfs
J’entends cette voix qui me lacère
Qui me fait vivre l’Enfer sur Terre
​
«Maigris encore, maigris toujours, que tu t’effaces»
C’est ce que me dit chaque jour cette belle Garce
Dès que j’ouvre les yeux, que déjà elle m’appelle
Du fond de mon ventre affamé qui se rebelle…
«Maigris encore, maigris toujours, je t’en supplie
C’est le diktat de la beauté d'aujourd’hui !
Toi qui n’as jamais su trouvé ta place ici
Tu finiras par atteindre le Paradis ».
J’ai toujours confondu être mince et joli
Et encore plus depuis le jour où t’es parti
Et depuis lequel j’accélère
L’estomac vide, à bout de nerfs
J’entends cette voix qui me lacère
Qui me fait vivre l’Enfer sur Terre
«Maigris encore, maigris toujours, que tu t’effaces»
C’est ce que me dit chaque jour cette belle Garce
Dès que j’ouvre les yeux, que déjà elle m’appelle
Du fond de mon ventre affamé qui se rebelle…
«Maigris encore, maigris toujours, je t’en supplie
C’est le diktat de la beauté d’aujourd’hui !
Toi qui n’as jamais su trouvé ta place ici
Tu finiras par atteindre le Paradis »
J’me reconnais plus quand j’me regarde dans le miroir…