
J’ME PROSTITUE
Deux heures du mat’, je marche seul en plein Paris
Main dans la poche, une dernière clope, j’prends un taxi
Pendant qu’autour de moi le monde semble endormi
Y’a quelqu’un quelque part qui m’attend dans son lit
Sur qui vais-je tomber? A quoi ressemblera-t-il?
Vais-je devoir l’écouter? Me voudra-t-il docile?
Juste pour quelques billets, de l’argent dit « facile »
J’m’en vais faire mon métier, isolé sur mon île…
J’me prostitue, je vends mon cul
Je n’sais même plus qui m’passe dessus
Je voyage d’hôtel en hôtel
J’arrive à chaque fois qu’on m’appelle
A chaque message reçu sur ma belle boîte mail
J’me prostitue, je vends mon cul
Mon joli cul aux inconnus
Des hommes mariés, des vieux friqués
Des que « ça fait jouir de payer »,
Des que, comme moi, la vie a déjà bien usé
Faut dire qu’j’suis tombé d’dans j’avais 16 ans à peine
J’ai jamais su vraiment d’où venait cette haine
Ils étaient mes parents moi l’fruit de leurs p’tites graines
Juste un peu différent, trop pour qu’ils me comprennent
C’est alors dans la rue que j’me suis retrouvé
D’abord à faire la manche, on m’a vite conseillé
« Avec ta p’tite gueule d’ange tu pourras t’faire du blé »
Ta seule monnaie d’échange sera de la fermer
J’me prostitue, je vends mon cul
Mon petit cul tout bleu devenu
A force d’être caressé
Et puis claqué, dépossédé,
Comme du vulgaire bétail qu’on cherche à achever
J’me prostitue, je vends mon cul
Des fois j’ai mal, et des fois plus
J’me remplis de tonnes de cachets
D’trucs en tout genre à avaler
Je maltraite mon corps pour mieux m’en détacher
Parfois je me revois à l’école petit gars
Si beau et si naïf, déjà bon p’tit soldat
Moi qui rêvais d’études, de d’venir avocat
V’là qu’j’brise leur solitude en m’glissant sous leurs draps
Je me demande souvent combien de temps encore
J’accepterai le goût, l’odeur de ces seniors
De leur souffle sur moi, mon âme en désaccord
A ces menteurs d’venus en secret mes mentors
J’me prostitue, je vends mon cul
La bouche ouverte, la bouche cousue
C’est vrai qu’j’suis rien qu’une p’tite tapette
Dont on se sert et que l’on jette
Une mouche salace à qui on a brisé les ailes
J’me prostitue, je vends mon cul
Face à la vie, je suis battu
Même si un jour j’appuie sur pause
Ou que je passe à autre chose
Dites-moi comment faire pour chasser mes ecchymoses ?
Est-ce qu’il existe sur Terre seulement un homme qui ose
Et qui saura repeindre enfin ma vie en rose ?
J’me prostitue